La littérature genrée

Le genre, vous en avez sans doute entendu parler, peut-être jusqu’à l’overdose à cause des conneries de La Manif pour Tous. Personnellement, depuis ces derniers débordements profondément sexistes, et depuis que je lis Madmoizelle, je suis devenue assez sensible à la question.

On a beaucoup parlé de « théorie de genre » pour démonter le propos, mais en ce qui me concerne, je pense que ce n’est pas une théorie, c’est un fait : la société nous apprend dès notre plus jeune âge à devenir fille ou garçon, et nos vies, nos rêves sont modelées en fonction. Et gare à nous si on veut sortir du moule : on devient des « tapettes », des « garçons manqués » et les insultes peuvent vite dégénérer en violence.

Généralement lorsque je suis dans ma petite bulle littéraire, je ne me pose pas de question sur ces problèmes-là. Si parfois je tombe sur un couple homosexuel au détour d’un chapitre, les problèmes de genre sont totalement absents des livres que je lis.

Et pourtant…

Et pourtant même la littérature (générale ou de l’Imaginaire) est genrée. Il suffit de regarder un peu plus attentivement les couvertures pour s’en apercevoir. Exemple avec deux livres de ma wish-list :

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Maintenant je vous laisse deviner laquelle de ces deux couv est « pour fille », laquelle est « pour garçon ». Un indice : la première, c’est de la romance, la seconde de la SF.

Parce que oui, finalement, ce sont les genres eux-même qui sont genrés (oh…).

Un des exemples les plus frappant, c’est la romance. Bien que certains éditeurs comme Laska tentent de réhabiliter ce genre (d’ailleurs, si tu passes par là, Jeanne, je serai curieuse de savoir ce que tu en penses ^^), il n’en reste pas moins que certains clichés lui collent à la peau et il arrive parfois qu’on tombe dans le sexisme.

Est-ce que cela vient de notre vision même du romantisme ? Celle qui veut que les filles soient de petites créatures douces et délicates et que les hommes soient virils et protecteurs ? C’est possible. En tout cas, côté marketing, ça se traduit en couverture par des mannequins musclés et/ou de jolies jeunes femmes auxquelles les lectrices pourront s’identifier. Harlequin a depuis des années fait de ce style son image de marque.

Dans la Bit-lit, un genre auquel je m’intéresse davantage, les clichés de genre sont également là. (Il faut dire que la Bit-lit est souvent assimilé à tors à la romance paranormale, ce qui peut amener à des situations cocasses.) Un exemple avec une série que j’aime beaucoup : Mercy Thompson.

*Attention spoiler*

Mercy est une héroïne forte, bosseuse et indépendante ; un idéal de femme moderne, en somme. Seulement voilà, comme souvent en Bit-lit, elle évolue au milieu de créatures surnaturelles. Ici, c’est au sein d’une meute de loups-garous qui, niveau respect de la femme et de ses droits, a conservé une mentalité moyenâgeuse. Si personnellement j’apprécie le personnage d’Adam et le couple qu’il forme avec Mercy, je me rends compte avec du recul que la possessivité du loup-garou est a des années lumière de l’idée que je me fais du féminisme. C’est là que je réalise à quel point je suis moi-même engluée dans une conception « guimauve » et « conte de fée » du romantisme, puisque j’arrive à apprécier une relation qu’idéologiquement je désapprouverai dans un autre contexte. Tout ça parce que « c’est un loup-garou, cette possessivité maladive, c’est dans sa nature ».

Paye ton excuse.

*Fin du spoiler*

Une autre question que je me pose par rapport au genre : pourquoi ne suis pas plus attirée par la SF et son sous-genre, le space opéra ? Les batailles spatiales, la découverte et la conquête de nouveaux monde, ce n’est pas quelques chose que je recherche particulièrement dans l’Imaginaire. Pourtant, paradoxalement, quand je parle d’Imaginaire tous supports confondus, deux de mes œuvres préférées, Stargate et Doctor Who relèvent de la SF. Alors pourquoi des œuvres similaires en littérature, films ou séries, ne me plairaient-t-elles pas ?

En fait, j’ai l’impression que si la SF ne m’attire pas plus que ça, c’est parce qu’elle est trop connotée « masculin ». Les grosses machines spatiales, les combats à coups de sabre laser… tout ça, je crois que ça sent trop la testostérone et le kiki-meter pour moi. Du coup, j’ai encore une fois l’impression d’avoir été formatée en fonction de mon genre féminin.

Bref, malgré tout ça, il y a heureusement beaucoup d’œuvres « unisexe », et quand je choisis un livre, je ne me demande pas de savoir s’il cible les filles ou les garçons. Même quand il s’agit d’un manga !

Et vous, qu’en pensez-vous ?

9 réflexions sur “La littérature genrée

  1. Je suis d’accord avec toi. Je pense qu’il y a effectivement des goûts qu’on pourrait qualifier de « féminin » et d’autres de « masculin ». Le truc, c’est qu’on pourrait dit que chaque personne n’est jamais 100% « féminin » et 100% « masculin », on est un beau mélange avec souvent une prédominance d’un côté ou de l’autre. ça me rappelle le spectacle « les hommes viennent de mars et les femmes de venus » et sa conclusion qui disait bah… à peu près ce que je viens de dire. En fait, il faudrait presque trouver d’autres dénominations pour éviter de tout rapporter au sexe biologique ou à l’orientation sexuelle, mais bon ça serait un peu débile.
    Les goûts, ça évolue, ça se construit et ils dépendent aussi de ce qu’on nous a mis entre les mains dès l’enfance. Et en même temps, pourquoi une petite fille va tout de suite se tourner vers le livre de princesse quand il y a aussi un livre de pirates ? Je l’ai vu avec ma petite sœur, il y a chez moi des jeux de filles et de garçons puisqu’on est une rgande fratrie avec garçons et filles, pourtant elle allait d’office vers les trucs « des filles ». Alors que moi en grandissant j’ai plutôt été vers les trucs « de garçons ». Franchement, je pense que ça dépend des personnes.
    Mais c’est vrai qu’on a tendance à tout « genrer », même les livres. Résultat un garçon ne va pas toujours oser prendre un livre à la couverture rose ou une fille celui avec la tête de mort. Et en même temps est-ce qu’il ne faudrait pas aussi apprendre aux garçons que le rose n’est pas que pour les filles et vice versa ?
    Bref c’est compliqué et je me perds moi même xD

    • Je pense aussi que ça dépend beaucoup des personnes. Heureusement, d’ailleurs, c’est ce qui fait qu’on est unique ^^ Après, ce qui me défrise, c’est quand les parents essayent de faire rentrer leur enfant dans le moule en ne leur offrant que des jouets ou livres en fonction de leur sexe. (Les parents d’une amie d’enfance étaient comme ça, je me demande encore parfois ce qu’est devenu le petit frère.)
      Dans un sens, je comprends l’importance de « genrer » pour toucher son public, autant des fois, ça devient vraiment ridicule. Cf le dentifrice « White Now Men », juste LOL.

  2. Le livre qui m’avait vraiment choqué c’est Psi changeling. Une des scènes est une scène de sexe où le héro continue de déshabiller l’héroïne alors qu’elle lui dit non ! Ca m’avait tellement écoeuré … Ben voyons, un non = oui…

    • Étrangement ça ne me surprends pas (Bien que venant de Milady, euh… enfin, ils ont bien publié Demonica, c’est pas tellement mieux…). A l’époque où je modérais un site de fanfictions, on voyait régulièrement passer des scènes comme ça, pourtant écrites par des filles… Récemment j’ai appris que ça portait un nom : « culture du viol ».
      Ça craint :/

  3. Aucune des deux couvertures ne m’intéressent… et donc pas ces genres genrés non plus. Je n’aime ni le space opera, ni la romance. Et tu as tout à fait raison, le fait que les lectures s’affichent « genrées » ne m’aident pas à découvrir autre chose. Même si toute couverture – je pense – tire vers l’un ou l’autre, on ne tombe pas forcément dans les extrêmes. Et puis, on arrive aussi à ne pas se forcer à y réfléchir. Par exemple, j’aime beaucoup le zombie 🙂 (on cible plutôt les hommes avec l’action/aventure/unepointedhorreur, non ?)

    • Hum, des fois, dès qu’il y a la moindre action, j’ai l’impression que c’est pour les hommes. Encore que. Dans la Bit-Lit, il y a souvent pas mal d’action, donc non, en fait.
      *C’était la réponse totalement inutile* ^^

  4. Je trouve ça vraiment intéressant d’ouvrir le débat, même si les réponses définitives et les solutions ne sont évidentes. Il y a clairement des bouquins qui sont formatés pour un “genre” particulier (du moins pour le cliché “fille” ou pour le cliché “garçon”) autant dans les couvertures que souvent dans les personnages principaux. Les filles sont souvent très “filles”, ou du moins ce qui est attendu d’une fille, proche de ses sentiments, courageuse mais sans défense etc. Et des mecs très “mecs” idem de ce qu’on attend d’eux, qui équivaut en général à tout le contraire. Résultat on a souvent des héros ou héroïnes super clichés et sans surprise, et il faut souvent chercher dans les personnages secondaires pour trouver des vraies personnalités avec du relief. Et c’est dommage.
    L’important c’est de toute façon de continuer à bousculer et à questionner ces idées préconçues qu’on essaye de nous faire penser. De donner le choix aux enfants, de les former à assumer leurs propres choix et préférences même si c’est contraire à ce que “tout le monde” dit, se donner soi-même le droit d’essayer tout ce qu’on a envie et si au final on est une fille qui aime lire des histoires de princesses et de princes charmants, assumer en sachant parfaitement que c’est parce que c’est réellement ce qu’on préfère et pas ce qu’on a décidé à notre place de nous faire lire.

  5. C’est un article intéressant, moi-même j’avoue que j’ai du mal à me situer. Surtout dans le côté girly survendu, qui n’est vraiment pas mon genre. Les bouquins d’été, les histoires cul-cul et écrites à la va-vite, je ne peux vraiment pas.
    Je ne me suis pas beaucoup essayée à la SF, donc je ne saurais dire. Je lis surtout des romans policiers ou de complots (comme ceux de Dan Brown). J’adore aussi Alexandre Dumas.
    Quant aux mangas, la question est plus complexe que l’éducation genrée est partie intégrante de la culture japonaise. Cela dit, comme beaucoup de filles (japonaises, tout évolue), je lis beaucoup de shonen manga : City Hunter, Naruto, GTO, Tsubasa Réservoir Chronicle… Ils sont faits pour un public masculin, mais peut-être est-ce le fait que je l’intègre -inconsciemment ou pas-, ça ne gène pas du tout ma lecture.
    Certains shojô peuvent être bons, mais il faut savoir les trouver : beaucoup sont girly, pleins de fleurs et de niaiserie qui me font prendre mes jambes à mon cou !

    Bref, je ne sais pas si cela vient de moi ou de la littérature ?

  6. Très intéressant comme billet ! Je ne m’étais jamais vraiment posé la question mais je pense que, quelle que soit la conclusion de cette réflexion (« les livres genrés, c’est bien / pas bien / on s’en fout »), l’important c’est de se poser la question. Il faut se rendre compte du conditionnement auquel nous sommes soumis involontairement, et ensuite faire le choix conscient de le suivre, de le combattre, ou de l’ignorer.

    En relisant ton billet je me rends compte que jusqu’à présent ma position inconsciente c’était entre « combattre » et « ignorer » ; pas par idéologie puisque c’est inconscient, mais par goût. Globalement, je ne suis pas attirée par la littérature qu’on dit souvent « féminine » (bit-lit, romance,…) parce que je ne suis pas romantique et je n’ai surtout pas envie de retrouver dans un livre les attitudes « féminines » qui m’énervent dans la vraie vie ; je déteste faire du shopping, par exemple. C’est mon caractère, je ne milite pas. Par contre j’aime beaucoup la SF et le Space Opera, parce que j’aime bien l’action et l’aventure qu’on y trouve. Ca ne m’a pas empêchée de lire aussi « Mercy Thompson » parce que justement j’aimais bien l’aventure et le caractère de l’héroïne… jusqu’à ce qu’on tombe dans le piège du « triangle amoureux » qui m’a vite fatiguée. Et on m’a recommandé récemment une romance qui pourrait me plaire, alors je vais essayer, et je m’en fous que la couverture soit rose. Mais je ne fais aucun choix en référence à ce que la société attend de moi.

    En résumé : l’important c’est d’avoir le choix et de faire ce choix selon ses goûts, pas selon la couleur de la couverture ou les préjugés de ce qui est féminin ou masculin. Peut-être devrais-tu essayer le space opera, si tu ne l’as jamais fait (en littérature) ; ça pourrait te plaire malgré l’idée que tu t’en fais. Et si ça ne te plait pas, y’a aucun mal à ça, ça ne dit absolument rien sur ton identité sexuelle !

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